Rencontre avec Lise ARENA

Professeure des Universités en Sciences de gestion

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur vous et votre parcours ?

Après une Licence d’Économie-Gestion à Nice, j’ai intégré un programme de Master en Histoire économique et sociale à l’université d’Oxford en Grande-Bretagne, où j’ai poursuivi mes études de doctorat en histoire contemporaine. Ma thèse, que j’ai soutenu en 2011, portait sur l’émergence et l’institutionnalisation des sciences de gestion en Grande-Bretagne. Cette expérience à l’étranger a été déterminante dans la suite de mon parcours professionnel. J’ai découvert la méthodologie historique appliquée à l’étude des organisations, les liens entre des disciplines en sciences humaines et sociales, un système académique très différent, tout en acquérant mes premières expériences d’enseignement. Cette expérience m’a aussi conduite à rencontrer des enseignants-chercheurs passionnés et spécialisés dans des domaines très divers et des étudiants de culture et de milieux sociaux différents… ce qui m’a appris à vulgariser ce que l’on m’enseignait en classe, tout en confrontant des points de vue critiques et des perspectives disciplinaires différentes.

En parallèle, j’ai soutenu une thèse en Sciences de gestion (spécialité : Management des systèmes d’information) en 2009 à Université Côte d'Azur sur la question des échecs des projets informatiques. J’ai ensuite été recrutée à Nice, en tant que Maître de Conférences en 2010. Ce double cursus (histoire et sciences de gestion) m’a conduite à me spécialiser dans le domaine du management des systèmes d’information, tout en mobilisant des approches historiques et longitudinales. 
Depuis mon recrutement, je me suis attachée à conserver la dimension pluridisciplinaire de mes travaux en co-animant un axe de recherche sur les usages du numérique à la MSHS Sud-Est de 2014 à 2023. Par ailleurs, j’ai toujours été investie dans l’accompagnement des étudiants en co-dirigeant la Licence AES de 2012 à 2016 et en dirigeant le parcours de Master « Stratégie Digitale » de la mention « Innovation, Entreprise et Société », depuis 2016. 

 

Comment avez-vous décidé d’enseigner ?

Ce n’est pas très original ; mais j’ai toujours voulu enseigner… D’abord avec la volonté de devenir professeure des écoles, mon projet s’est affiné quand j’ai découvert la recherche. En classe de 3ème, deux professeures de français et d’histoire-géographie ont été des femmes inspirantes dans ce choix. Elles coordonnaient leurs programmes pour que les textes que nous lisions en français correspondent aux périodes et aux sujets traités en histoire. A cette occasion, je me suis inscrite au concours national de la Résistance où j’ai traité un sujet autour du rôle des femmes dans la résistance des Alpes-Maritimes ce qui m’a donné la chance de conduire mes premiers entretiens avec des figures féminines locales. Cette expérience m’a beaucoup marqué et m’a très tôt donné envie de rendre visible des phénomènes parfois méconnus, en réinterprétant des mécanismes pris pour acquis. En tant qu’enseignant-chercheur, l’idée de pouvoir enseigner nos spécialités en recherche est une chance. Lorsque j’ai réalisé qu’être enseignante à l’Université, c’était aussi confronter des idées, développées par ailleurs, face à un public étudiant et que ces enseignements me faisaient avancer, je savais que je voulais en faire mon métier.      

 

Quels sont les défis auxquels vous êtes confronté en tant que professeur ?

Je dirais que le défi principal du métier est lié aux risques de dispersion dans notre travail. En tant qu’enseignant-chercheur, nous avons plusieurs casquettes : enseignement, recherche et responsabilités collectives, au niveau local mais aussi national et international. D’un point de vue disciplinaire, j’ai toujours eu la chance de pouvoir aligner ces trois missions autour de la même thématique, ce qui donne tous les jours du sens à mon travail. Pour autant, comme je pense avoir un profil assez équilibré entre ces trois piliers, il est parfois difficile de passer d’une activité à une autre ; de manière souvent non planifiée. Dans notre métier, aucune semaine ne se ressemble ; c’est une chance mais l’inattendu peut être un peu fatiguant parfois.

 

Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui aspire à devenir enseignant ?

De manière générale, je trouve toujours difficile de donner des conseils à un(e) future collègue. On a tous une manière d’aborder notre métier qui nous est propre et c’est justement la liberté que nous donne l’université. C’est par l’expérience qu’on apprend. Les seuls conseils qui me viennent à l’esprit pour un(e) étudiant(e) qui souhaiterait s’orienter vers ce métier : toujours se sentir libre dans ses choix (sujets de recherche, collaborations ou encore responsabilités collectives) et se faire plaisir dans les sujets traités et les missions réalisées. C’est en aimant ce qu’on fait, qu’on devient investi(e), spécialiste et compétent(e) !  

 

Quels sont vos domaines de recherche ?

Mes travaux s’intéressent aux phénomènes d’émergence et d’évolution des organisations et des innovations technologiques dans le temps. Pour résumer, je considère que le changement auquel peut faire face une organisation est un phénomène complexe au sein duquel le non planifié, l'imprévu et les conséquences inattendues se produisent. Cette approche (aussi qualifiée de « processuelle ») me permet de tenir compte à la fois du passé (analyses historiques et rétrospectives) et de mieux envisager le futur (analyses des attentes futures avant et après l'événement), tout en analysant les processus de changement organisationnel en cours. 
D’un point de vue empirique, mon parcours de recherche ne reflète pas une trajectoire linéaire et planifiée mais s’inscrit davantage dans la succession de rencontres, d’opportunités, de questionnements issus de terrains amenés par des acteurs du monde socio-économique et d’évolution de ma réflexion. J’ai donc successivement étudié des organisations très différentes et de tailles variées (par exemple, dans mes travaux encore en cours : les marchés financiers, une infrastructure de tramway ou encore un écosystème de mobilité). Actuellement, je m’intéresse plus particulièrement à la manière dont des technologies émergentes (blockchain, intelligence artificielle, réalité immersive) façonnent ces transformations. 

 

Quels sont vos projets futurs ?

Dans le volet recherche de mes projets, j’ai la volonté de rapprocher encore davantage le champ du management des systèmes d’information et de l’histoire des organisations. J’aimerais notamment inscrire les innovations et les technologies émergentes que j’étudie dans la plus longue durée en m’intéressant aux générations de technologie qui les ont précédées et à la manière dont ces évolutions ont conduit à des transformations organisationnelles et institutionnelles. J’ai envie de me replonger dans un travail d’archives plus systématique en collaboration avec des acteurs socio-économiques de la région.
Au niveau de mes projets de formation, je suis impliquée dans des dispositifs de transformation de mes enseignements de Licence et de Master. Mes cours de Licence ont été hybridés et l’approche par compétences en Master m’a permis de mettre en cohérence le contenu des enseignements et les besoins métiers du marché du travail autour du numérique. Pour la suite, l’internationalisation du parcours de Master « Stratégie Digitale » de la mention « Innovation, Entreprise et Société » et la mise en place de dispositifs pour augmenter l’attractivité vers le Doctorat sont les deux chantiers que j’aimerais développer.  

 
Date de l'interview : septembre 2024